6. Satanik et Piombo Rovente

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L’histoire du roman-photo Killing est inséparable de ses démêlés avec la censure, qui s’est toujours fait sentir durement. Quand Ponzoni, éditeur milanais de bandes dessinées et de ciné-romans pour tous publics, lance cette série révolutionnaire, il n’innove pas uniquement la gamme thématique du genre, mais aussi la tonalité du roman-photo: aux histoires traditonnelles à l’eau de rose, il ajoute le noir du fantastique et de l’horreur et le jaune caractéristique du policier. Mais plusieurs influences se croisent dans Killing. Le maillot et le masque du protagoniste ressemblent à ceux du personnage de Kriminal inventé par Max Bunker et Magnus. L’allusion est claire à la tradition BD où se multiplient les titres en K, comme surtout Diabolik, lancé en 1962 par les soeurs Giussani. Le visage de Killing est autrement plus hideux et menaçant: le personnage représente vraiment le mal. Les fascicules de la série semblent annoncer aussi la grande vogue du cinéma d’horreur des années septante. La réaction du censeur italien ne se fera pas attendre, qui contraint l’éditeur à baisser d’un cran le niveau de violence et de sexe. Il en résulte un affadissement du style de Killing, dont les ventes baissent vite jusqu’à l'arrêt définitif de la série au numéro 62 (1969).

Comme tout criminel qui se respecte, Killing a pris bien des formes et des identités (éditoriales) différentes. La revue a porté plusieurs titres et elle a été copiée un peu partout. En France, elle paraissait sous le titre de Satanik, qui désignait en Italie la complice de Kriminal. Mais en France la censure sera plus dure encore qu’en Italie: la publication de Satanik s’interrompt le 23 juin 1967, au bout d’un an à peine. Deux ans plus tard, le 11 juin 1969, la commission de censure motivera cette décision en écrivant: «Un mineur, au psychisme déficient, a avoué avoir été poussé à accomplir un acte criminel par la lecture de Satanik».

L’équation entre amour et délit, ou entre sexe et crime, remonte très loin dans l’histoire et la peur catholique de la sexualité a sans doute aggravé encore cette lecture. Mais à bien y regarder, il apparaît que ce type de romans-photos ont un message autrement plus ambivalent, moins révolutionnaire que réactionnaire du reste. L’acte sexuel y devient en fait un acte de pure violence. D’un côté, ces romans-photos libèrent les instincts les plus inhibés et les plus désirs qui démangent le plus l’adolescence. Mais de l'autre, ils suggèrent non moins que le plaisir équivaut au mal (ou du moins que le comble du plaisir est aussi la douleur la plus extrême), que la femme est une sorte de diablesse, à sacrifier sur l’autel du plaisir, et que son corps, comme celui de toute victime, est source de péché. Héritier de la culture du surhomme du vingtième siècle, le criminel est celui qui arrive à se libérer de toutes ces contraintes.

Killing a survécu malgré la censure. Il est devenu un objet-culte des amateurs de la culture des années soixante et septante, grâce entre autres à l’aura de malédiction que lui confèrent les nombreux hommages et nouveaux usages. Un bel exemple en est l’album Piombo Rovente (2006, «Plomb incandescent») de Stefano Arienti et Franco Busatta, qui se propose comme la réécriture psychédélique du premier numéro de la sérié italienne tout en étant rempli de clins d’oeil à la presse populaire des années soixante. En 2007, le réalisateur italien SS-Sunda a produit un documentaire savoureux intitulé The Diabolikal Super-Kriminal.