4. Les débuts du roman-photo: Grand Hôtel, Il Mio Sogno, Bolero Film

di ,

     
Categorie



Questa pagina fa parte di:

 

Il suffit de regarder la couverture du premier numéro de Grand Hôtel, paru en kiosque le 29 juin 1946 à l’enseigne des éditions Universo de Milan, pour se rendre compte que le nouveau titre résultait d’un clair projet éditorial. Au premier plan, deux jeunes gens élégants et souriants sont sur le point d’entrer dans un cinéma, nommé justement Grand Hôtel, où passe Âmes ensorcelées, un film produit par la société Editiuniverso. Le numéro de 16 pages contenait la première livraison d’un roman dessiné intitulé Âmes ensorcelées, exécuté dans un style particulier qui caractériserait la revue pour de longues années: des dessins et de planches à l’aquarelle dont les subtils dégradés explorent toute la gamme des gris, comme si la bande dessinée cherchait déjà à anticiper sur la photographie. Aux pages 6 et 7 se trouve la première livraison d’un long récit, Le journal d’une épouse, de Wanda Bontà, et Toi, ma folie, de Luciana Peverelli, avec une seule illustration de Rino Ferrari. La page 9 s’ouvre sur une nouveauté, que vont reprendre presque tous les romans-photos et qui subsiste toujours: un témoignage authentique, raconté par une lecture ou un lecteur. Venait ensuite le second roman dessiné, Les larmes d’or, dessiné par Giulio Bertoletti, sur un scénario d’Elisa Trapani, bien connue du public pour ses romans sentimentaux mais aussi pour ses romans-feuilletons d’amour. La toute dernière page se partageait entre trois rubriques: d’abord une chronique de faits divers bizarres, paraissant sous le titre «C’est arrivé» et illustrés par Rino Ferrari et Rino Albertarelli, puis deux rubriques de courrier de lecteurs, l’une, Bureau, réservée à la correspondance avec un homme, Francis, l’autre, Fil d’or, signée de la fidèle Wanda Bontà.

Une nouvelle forme de presse du cœur était née. Toutefois, la véritable nouveauté de Grand Hôtel sera de s’adresser à un public très large (souvent analphabète) en lui offrant un produit visuel proche du cinéma, populaire mais avec des signatures de grande qualité.

En moins d’une année, la revue doit se disputer le marché avec deux autres titres: Il Mio Sogno (bientôt Sogno tout court) et Bolero Film. Sogno parait pour la première fois le 8 mai 1947, pour le compte de l’éditeur romain Novissima, vite associé à Rizzoli. Seulement dix-sept jours plus tard, Mondadori lance, sous la direction de Luciano Pedrocchi, Bolero Film. Dans la construction de leurs histoires visuelles, ces deux revues remplacent le dessin par la photographie. C’est le début d’un nouveau médium: le roman-photo, dont la paternité est généralement attribuée à Luciano Pedrocchi, Damiano Damiani et Franco Cancellieri, respectivement scénariste, réalisateur et directeur des premiers romans-photos de Bolero Film. D’autres rappelleront toutefois que Stefano Reda, scénariste et metteur en scène d’un roman-photo publié dans le premier numéro de Sogno, avait dû chercher pendant plus d’un an un éditeur qui accepterait de réaliser son idée d’unir ses deux grandes passions, la photographie et le roman sentimental. L’idée de faire des récits à l’aide de photos et non plus d’images était dans l’air du temps et certains pensent même que derrière elle se trouvait le génie de Cesare Zavattini, à l’époque salarié de Mondadori.

Mais la première revue à utiliser pour le terme de roman-photo, et ce dès son tout premier numéro, était bien Sogno. Sans doute parce qu’elle ne savait trop comment se définir, la revue romaine s’était dotée d’un sous-titre: Settimanale di romanzi d’amore e fotogrammi, soit «hebdomadaire de romans d’amour et de photogrammes». Le clin d’œil au cinéma et à la littérature sentimentale ne pouvait passer inaperçu. Bolero Film se présentait comme une revue de romans d’amour, mais défendait une idée de l’amour assez éloigné du feuilleton soit populaire soit rose de Liala ou Delly, promouvant au contraire une conception de la femme joyeuse et indépendante, entièrement inédite dans l’histoire du genre sentimental. Une autre caractéristique de Bolero Film était l’insistance sur des éléments propres au néo-réalisme. La revue publiait des romans-photos ayant pour fond la guerre et pour héros des gens du peuple.