Le premier photo-ciné-roman publié en Italie est Il brigante Musolino (1950) de Mario Camerini, qui paraît dans la collection Super Cinema le 10 décembre 1950. La production atteindra son point culminant en 1954, mais le succès sera aussi intense que de courte durée: déjà dès 1956 les éditeurs seront obligés de déplacer leur production vers la France.
En raison des liens entre éditeurs et sociétés de production cinématographique, mais aussi à cause problèmes de regroupements obligatoires, les collections des ciné-photos-romans, souvent spécialisées en termes de genres, présenteront une grande diversité interne. Le critère de sélection n'est pas la ‘politique des auteurs’, mais la ‘politique des acteurs’ (et parfois celle des genres). Les films novellisés le sont parce qu’ils sont populaires: soit parce qu’ils ont eu du succès, soit parce qu’ils sont conçus pour un public populaire. Les rencontres entre mélodrame et cinéma débouchent parfois sur des solutions peu habituelles. Une chose en effet est d’adapter Mario Costa ou Luigi Capuano, une tout autre, d’adapter Antonioni, Fellini ou Bergman.
Lorsque le film adapté ne relève pas directement du Néo-réalisme, le résultat tient du super-mélodrame, enfermé dans les thèmes et les personnages typiques du genre. Les redites sempiternelles entraînent des répétitions à deux niveaux: celui du mélodrame même (amours interdits, coups de théâtre, enfants illégitimes, expiations, etc.) et celui du code propre au plus populaire des réalisateurs du genre, Raffaello Materazza (phrases et expressions toutes faites, noms et situations des personnages, cadrage, costumes etc.). Cette accumulation de citations intertextuelles suppose un public capable de déchiffrer le moindre détail du code, mais surtout la parfaite coïncidence des intentions stylistiques du metteur en scène, de la mémoire narrative du public et de la restriction du film aux seuls éléments essentiels, tant narratifs que pragmatiques, du récit. Au niveau verbal, le recours à l’épithète et à l’adjectif stéréotypé qui dévoilent tout de suite le rôle du personnage se surajoute encore à la logique binaire caractéristique du mélodrame.
Par rapport à la vieille polémique des rapports entre mots et images, le ciné-roman-photo met clairement l’image au service du mot. Pour les spécialistes de la culture italienne de ces années, le fil rouge qui traverse tous les médias est bel et bien l’oralité. La voix ‘acousmatique’ (sans orateur visible) de la radio, les textes du roman-photo, la voix-off du cinéma et les légendes des ciné-romans-photos se situent dans un espace intermédiaire, à mi-chemin entre le récit et le public. L’espace de la parole se définit par la place du locuteur qui marque sa présence par la volonté de raconter une histoire à une communauté. Mais comme toujours dans le mélodrame cette voix est une voix qui cherche à instruire le public tout en essayant de connaître les idées et les désirs de ce public. C’est ainsi que même les ciné-romans-photos les plus désespérés ne manquent pas de suggérer une fin heureuse.
Indifférent à toute ambition artistique de la part du réalisateur du film, e rédacteur du ciné-roman-photo se soumet entièrement aux règles du mélodrame. Les scènes-clé et les épisodes à tonalité mélodramatique sont étirés au maximum et font l’objet de longs commentaires. Le montage est revu pour rendre le récit plus linéaire. Ce qui se raconte en montage alterné par exemple tend à fonctionner par juxtaposition de manière à produire un récit qui s’achève complètement. Il arrive que des scènes soient déplacées pour que la narration soit plus facile à suivre. Le genre abonde aussi en expériences destinées à simuler le montage et le langage cinématographiques. S’il y a des ellipses, on s’efforce de les signaler explicitement. Cela dit, ces simplifications ne veulent pas dire qu’on sous-estime le public, mais qu’on suit les règles du mélodrame. Il ne faut jamais oublier, en effet, que le mélodrame tient toujours à nous expliquer quelque chose et qu’il tend à chasser tout ce qui serait implicite.