Valérie Mréjen : une autobiographie en archipel

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L’œuvre de Valérie Mréjen se caractérise par la présence d’un espace autobiographique diffusé et très discret. La trace de l’expérience intime se réverbère d’un récit écrit à l’autre, d’une vidéo à l’autre et parmi les créations développées sur supports différents. La remémoration est l’un des fondements des narrations où la parole dite et rapportée rend compte des expériences personnelles et de la vie vécue. Cette étude prendra en compte l’intense circulation des biographèmes à partir de l’analyse croisée des ouvrages et par la prise en compte des témoignages de l’autrice sur sa pratique créative.

The work of Valérie Mréjen is characterized by the presence of a diffused and very discreet autobiographical space. The trace of the intimate experience reverberates from one written story to another, from one video to another and among the creations developed on different media. Recollection is one of the foundations of narratives where spoken and reported words reflect personal experiences and life lived. This study will take into account the intense circulation of ‘biographèmes’ from the cross-analysis of the works and by taking into account the author’s testimonies on her creative practice.

 

Valérie Mréjen est une écrivaine, artiste plasticienne et vidéaste française qui parsème ses ouvrages de bribes de son histoire personnelle. Cette perspective permet de situer sa démarche artistique dans le champ des pratiques contemporaines d’autres artistes tels quel Sophie Calle, Christian Boltanski et Edouard Levé pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus représentatifs du courant de la narration de soi par l’art. Pourtant, dans mon étude je me pencherai sur la création de Mréjen pour en mettre en lumière les spécificités intrinsèques.

La petite note de présentation, que l’on peut lire dans la page qui elle est consacrée sur le site de la galerie parisienne Anne-Sarah Bénichou, résume les grandes lignes de sa démarche artistique :

 

Plasticienne, photographe, écrivain, Valérie Mréjen multiplie les moyens d’expression pour mieux explorer les possibilités du langage. Ses vidéos sont souvent inspirées de souvenirs, d’événements quotidiens, de détails cruels et burlesques de l’existence, de lieux communs, de malentendus... Elle y mélange divers types de récits rapportés ou vécus qu’elle réécrit et réarrange, avant de les mettre en scène.[1]

 

Les « souvenirs », les « détails de l’existence », les récits « vécus ou rapportés » seront parmi les mots clé de cette étude sur la relation entre la création artistique et l’autobiographie chez Valérie Mréjen. Vu l’hétérogénéité de ses pratiques, pour rendre compte de la présence du moi et du souvenir dans ses œuvres, on peut évoquer la métaphore de l’archipel, empruntée à l’écrivain, photographe, vidéaste Alain Fleischer. Il a utilisé cette image pour désigner sa propre démarche créatrice dans le texte liminaire publié en introduction au roman L’Ascenseur :

 

Ma rêverie est celle d’une ruse par laquelle une matière littéraire présentant une continuité reconnaissable serait déposée dans des objets textuels séparés, imposant à la perception le discontinu, le disparate, le dissemblable, l’hétérogène. Et que le lecteur désireux de retrouver la totalité d’une histoire, de ses péripéties, de ses reflets, de ses échos, des méditations qui l’ont fait naître et peut-être même des objets non littéraires qu’elle a inspirés – photographies, tableaux de peinture, films de cinéma… –, soit contraint à une recherche, à une enquête [...].[2]

 

Si, dans cette citation, on substitue « matière littéraire » avec « matière autobiographique », on pourra appliquer les mêmes propos aux œuvres de Valérie Mréjen, tant le souvenir et la remémoration de son passé les travaillent de l’intérieur, jusqu’à en devenir le fondement qui les relie toutes.

Formée dans l’École nationale supérieure d’arts de Cergy-Pontoise, elle a choisi de s’exprimer par l’écriture au moment où elle a dû préparer son travail de fin d’études. Elle a ainsi composé un texte qui sera par la suite publié sous le titre de Mon grand-père.[3] Dans ce premier récit elle raconte son enfance et inaugure l’utilisation d’un style fragmenté et épidictique qui sera la marque de ses ouvrages ultérieurs ainsi que de la production de ses vidéos. À partir de ce moment-là, elle alterne constamment l’écriture et la pratique artistique ; à tel point qu’elle a pu déclarer que chez elle « les deux pratiques créatives progressent parallèlement ».[4] Comme dans un archipel, le récit de soi circule d’un texte à l’autre, des vidéos aux installations qu’elle propose régulièrement en galerie et dans des expositions.

Dans cette étude, je montrerai que, selon les pratiques et les supports médiatiques utilisés, notamment dans les récits écrits et les vidéo, le recours à une narration composée à partir d’un fonds autobiographique s’impose. L’analyse de quelques-unes parmi premières vidéos, Bouvet (1997), Sympa (1998), Jocelyne (1998) et Chamonix (2002) sera accompagnée par la comparaison avec ses premiers récits publiés : Mon grand-père (1999) et Eau sauvage (2004). Ensuite je prendrai en compte une vidéo plus récente, Sacré-Cœur (2015), afin d’y retrouver la ligne tracée par les miettes de vie parsemées ici et là et de vérifier la persistance de l’inspiration autobiographique dans son œuvre. Enfin, j’étendrai le regard à l’exposition R comme Roots, construite à la Galerie Anne-Sarah Bénichou en 2016. Mon argumentation prendra en compte deux éléments principaux : je traiterai d’abord de la centralité de la parole qui est le premier outil dans sa boîte d’artiste, étroitement liée au vécu et à la remémoration ; ensuite j’analyserai son discours autobiographique en relation avec sa vie personnelle et familiale pour en relever les contenus et leur déclinaison dans les récits élaborés sur des supports médiatiques divers. Je prendrai en compte quelques exemples de réalisations artistiques en liaison avec le souvenir et la remémoration en comparant des textes et des vidéos.

 

1. La centralité de la parole

Le langage est l’un des éléments fondamentaux que Valérie Mréjen étudie et exploite dans ses projets artistiques. D’une création à l’autre, elle mène une véritable enquête sur les dynamiques des relations humaines par le biais de l’observation des discours prononcés et des événements qu’ils engendrent. « La parole constitue le sujet même de mon travail, prononcée, lue, sous-entendue... plus que l’attachement à un médium ou une technique » :[5] ces propos rendent compte de la centralité de la parole dans ses œuvres, soit littéraires soit artistiques, la relation au langage étant le point focal autour duquel se développent ses projets et ses préoccupations esthétiques.

C’est la circulation de la parole d’une œuvre à l’autre – les reliant comme les îles d’un archipel -, et d’un support à l’autre qui fixe la trace autobiographique, parce que chez Mréjen la parole est l’objet constant permettant la construction de la narration de soi. Et tous ses récits puisent au fonds des souvenirs personnels, des expériences intimes qui sont travaillées et utilisées à partir de ses premières vidéos. Sa démarche créative se développe au début par un travail avec la langue et une interrogation des mécanismes linguistiques, qu’elle observe dans son entourage le plus proche. L’expérience personnelle est le substrat sur lequel s’étalent les divers récits. Dans la brève vidéo Sympa, où « une jeune femme raconte sa soirée de la veille »,[6] l’actrice Lucia Sanchez rend compte d’une soirée passée chez des amis. Plutôt que de raconter des actions, elle s’attarde dans la description de la maison et du quartier où ils habitent : c’est-à-dire qu’elle présente le cadre de la situation sans développer le récit de celle-ci. Du point de vue technique, la vidéo est très simple : l’actrice est assise dans un endroit anonyme, le décor est presque inexistant, elle est filmée en plan moyen par une caméra fixe, et elle ne bouge pratiquement pas. Il est clair que l’attention du spectateur doit être complètement captée par le contenu de ses propos, mais celui-ci est apparemment dépourvu d’attrait : il est répétitif, le rythme est monotone et le discours n’a pas un développement narratif. Tout le monologue repose sur la répétition du mot ‘sympa’ qu’elle prononce vingt-trois fois dans son discours de soixante-dix secondes, donc une fois toutes les trois secondes. Cette répétition crée un effet comique au début de la vidéo, mais ensuite cela engendre une gêne chez le spectateur, favorisant sa concentration sur le sujet véritable : les déclinaisons du parler de chacun, les tics du langage et les creux de la communication. On comprend après coup les enjeux du propos de l’artiste : en focalisant l’attention sur la langue, elle veut dénoncer le vide des discours du quotidien lorsqu’on raconte les petits et grands événements de l’existence, à partir de la sienne.[7] Elle met l’accent sur les mécanismes de la parole lorsqu’elle est prononcée sans but, voire pour remplir des espaces d’absence et d’ennui. Cette démarche créatrice et critique est à la base de ses récits écrits aussi, où, plutôt que de suivre les actions et les accidents des personnages, le lecteur est confronté à leurs discours quotidiens.[8]

En effet, Valérie Mréjen raconte l’essence de l’existence à travers la mise en place des dialogues de tous les jours, parce que ceux-ci sont la base de toute relation humaine, surtout de la vie familiale. Dans un entretien elle a expliqué que :

 

Par exemple, quand on me posait ces questions types auxquelles je ne savais jamais que répondre : " que deviens-tu ? " ; " que racontes-tu ? "... Des phrases de la vie quotidienne qui me paralysaient et entraînaient un désarroi... Ou bien ces questions insistantes, lourdement bienveillantes : " comment vas-tu ? ah bon ? Tu es sûre que tu vas bien ? Tu as l’air fatiguée..." ; échanges qui correspondent à des voies sans issue. J’ai eu envie d’exploiter ces moments comme une matière, d’imaginer des situations mises en scène pour essayer d’en dégager le comique, l’absurde et le vide.[9]

 

Les textes des livres et ceux des scénarios sont imprégnés du langage parlé en famille et avec les amis. Le récit Eau sauvage (2004), par exemple, est formé d’une séquence ininterrompue du début jusqu’à la fin de messages que son père aurait pu enregistrer sur sa messagerie téléphonique :

 

Salut ma jolie. Tout va bien ? Le moral ? La santé ? Les amours ? Le travail ? Je suis content pour toi. Je ne te dérange pas plus longtemps.
Allô ma chérie, tu vas bien ? Tu es contente de ce que tu fais ? Ça me fait plaisir. Ah oui, il fait très beau. Je suis sorti faire une promenade au bois, j’ai fait au moins dix kilomètres. Allez, je te laisse travailler, je t’embrasse.
Allô ? Je ne te dérange pas ? Je voulais prendre un peu de tes nouvelles, je ne te retiens pas plus, à bientôt ma chérie.
Qu’est-ce que tu fais ? Tu travailles ? C’est très bien.[10]

 

Cette suite de phrases me semble très proche de celles que prononce l’acteur Jean-Christophe Bouvet dans la vidéo Bouvet, réalisée en 1997 :

 

Alors quoi de neuf ?
Qu’est-ce que tu deviens ?
Qu’est-ce que tu racontes ?
Qu’est-ce que tu fais de beau en ce moment ?
Qu’est-ce que tu racontes de beau ?
Tu fais rien d’extraordinaire ?
Tu racontes rien ?
Eh !
T’as rien d’intéressant à dire ?
Tu fais rien de nouveau ?
T’as pas de projet ?
Tu ne deviens rien!
T’es pas extraordinaire en tant que personne.
Tu fais rien d’exceptionnel, en fait.
Tu es un petit peu nulle, quoi.[11]

 

La circulation des discours, la répétition des formules habituelles, les parties insignifiantes de la conversation qui ne véhiculent aucun contenu mais font partie de l’échange entre les locuteurs, sont mises à contribution afin d’engendrer le récit de la vie de tous les jours et, dans ce contexte, l’expérience personnelle, intime et familiale, l’autobiographique de tous le jours, celui qui ne vise pas à rendre compte d’événements exceptionnels mais les menus faits quotidiens, devient la source du discours artistique qui s’élargit au partage avec le public.

 

2. Le récit de soi par les autres

Même si elle n’apparaît pas dans ses vidéos et dans ses films, car elle préfère laisser la place à des acteurs - amateurs ou professionnels selon les projets -, Mréjen compose ses scénarios à partir de son vécu. Elle s’est exprimée sur son choix de faire prononcer par autrui le récit de ses expériences intimes en racontant la construction de la vidéo Jocelyne :

 

C’est une façon de mettre à distance et de ne pas en rajouter. Oui, c’est une histoire personnelle, mais si en plus je l’avais interprétée moi-même, n’étant pas comédienne et n’ayant pas le talent pour y apporter une autre dimension, j’aurais sans doute eu l’impression de m’épancher ou de me complaindre en direct.[12]

 

L’autrice admet après coup, que comme dans ses œuvres écrites, Mon grand-père et Eau sauvage, dans ses premières vidéos elle a parlé d’elle-même, de son histoire, des vicissitudes de sa famille, de sa relation avec la réalité contemporaine. Comme chez Fleischer, il ne s’agit pas d’un projet autobiographique évident et assumé, c’est plutôt une trace qui relie, ainsi que le sillage d’un bateau, les œuvres entre elles. Elle rend compte du processus de création de ses récits filmés dans un entretien paru dans le livre Ping-pong, publié à l’occasion de l’exposition La place de la concorde, présentée au Jeu de Paume en 2008 : « […] dans les vidéos j’ai procédé […] en prenant d’abord mes histoires, des situations et des souvenirs personnels, avant de m’intéresser aux souvenirs des autres. C’est un mélange des deux, une façon d’avancer en parallèle ».[13]

Et elle explique qu’elle utilise les morceaux de vie vécue pour construire des vidéos autofictionnelles où le personnel et l’intime permet à l’imagination de s’ébranler. L’un des premiers exemples où elle met en place cette pratique est Jocelyne, dont le sujet est le récit d’une nuit d’amour malheureuse et violente qu’une jeune femme raconte sans émotion particulière, d’une manière détachée et monotone.

Au bout de quelques secondes, cette neutralité du récit – comparable à l’impassibilité de l’écriture « blanche » contemporaine ainsi que l’a décrite Dominique Viart à partir de la notion empruntée à Roland Barthes –[14] devient difficile à supporter pour le spectateur. Le style impassible du récit contraste avec la brutalité de l’accident raconté où une jeune femme a été forcée à une relation intime par un homme qu’elle venait de rencontrer et auquel elle n’a pas réussi à résister. Tournée en 1998, la vidéo Jocelyne est encore construite selon le schéma des premiers ouvrages, Sympa, Bouvet, pour ne citer ceux qui sont étudiés dans cette étude (on pourra visualiser d’autres exemples sur le site de l’autrice) : l’actrice est assise sur une chaise, sa figure se dresse sur un fond bleu-vert et elle est filmée en plan moyen ; elle prononce son monologue de manière assez neutre. On constate très facilement qu’à la base de son discours se trouve un texte écrit et que la réalisatrice tient à ce que le jeu soit le plus plat possible – comme s’il s’agissait d’une sorte de confession dans un commissariat de police –. Ainsi la langue et le discours ressortent dans leur réalisme brut. Mréjen s’est exprimée sur ses motivations et ses choix esthétiques qui sont étroitement liés avec son vécu traumatique :

 

Cette histoire de Jocelyne ne vient pas de l’extérieur. Je ne me suis pas dit ‘j’aimerais faire une vidéo, qu’est-ce que je pourrais raconter ?’. Ce qui m’a donné envie de l’écrire, c’est au départ une expérience assez désagréable, et l’interrogation ‘que faire de ce souvenir pour essayer de le transformer, éventuellement d’arriver à en rire et à m’en détacher ?[15]

 

Se raconter à travers l’écran, construire un double d’elle-même en mettant en scène une sorte de figuration de soi, constitue une manière pour se regarder et pour poser une distance entre elle et son vécu, c’est une sorte de mise en scène cathartique : « en exposant Jocelyne, l’artiste crée une nouvelle connaissance pour elle-même à partir d’un recyclage mnémonique ».[16] Il s’avère ainsi que le récit de son expérience performé par autrui donne au sujet artistique la possibilité de mettre de la distance avec l’événement traumatique et ainsi de prendre du recul par rapport à celui-ci. L’activité de création aurait ainsi une fonction d’exutoire engendrant le dépassement et le répit.

La pratique autobiographique inhérente à cette activité – même si elle n’est pas un but en soi, mais une constant de son inspiration – est menée par Mréjen à travers l’utilisation des événements de son existence qu’elle extrait de sa mémoire pour les remodeler à travers la manipulation du langage. Elle écrit ses scénarios à partir d’expériences d’ordre personnel et linguistique qui deviennent ensuite le sujet du jeu et surtout de la parole des acteurs, mais aussi des textes de ses récits écrits.

 

3. Le travail avec les souvenirs

On a vu qu’en général c’est la vie de tous les jours, surtout la vie en famille qui sont exploitées dans ses œuvres présentant un fondement autobiographique commun. La critique d’art Elisabeth Lebovici – qui a écrit la première étude-présentation de ses pratiques artistiques – a illustré les enjeux de sa démarche : « il s’agit de narrer au grand jour des histoires familiales que tout le monde connaît, mais dont personne ne parle ».[17] En effet, l’outil linguistique sert à Mréjen pour ramener à la surface de la conscience ses souvenirs, pour donner une forme au magma de sa mémoire. Dans les textes, apparemment neutres et objectifs, la narration à la première personne révèle la présence de la narratrice, conduisant le lecteur dans les méandres de sa remémoration. Dans les vidéos, les personnages filmés s’expriment à la première personne, néanmoins, ainsi qu’on a pu le constater ci-dessus, c’est la voix de l’autrice qu’ils incarnent et qu’elle se sert d’eux pour dépasser les impasses de l’existence. Valérie Mréjen n’est pas la seule artiste contemporaine qui construit une ouvre à fondement autobiographique en utilisant des supports variés, néanmoins par rapport à d’autres parcours comme celui de Sophie Calle ou de Christian Boltanski, elle ne se met pas en scène ouvertement, par le discours de création ou par le discours accompagnant ses œuvres. Elle garde une neutralité absolue qui fait que le constat que le matériau où elle puise est puissamment autobiographique se produit après coup, devenant une évidence inavouable. Elle s’est exprimée sur les dessous de ses pratiques artistiques et sur la source de son inspiration qui est personnelle au sens élargi :

 

Je crois que pour les premières vidéos, je me suis toujours inspirée de souvenirs qui font partie de cet espace-là, de l’espace familial, et qui restent, et qui ont du mal à en sortir. […] Et je me suis rendu compte que ce thème-là revenait régulièrement dans mon travail un peu comme une obsession, enfin, un des thèmes principaux, et avec beaucoup de répétitions aussi, vraiment comme des anecdotes qu’on a entendues depuis l’enfance, qu’on nous raconte, […] et cela fait beaucoup rire, les tantes ou les oncles, etc., ou encore les anecdotes qu’on raconte pendant les repas.[18]

 

Dans d’autres projets artistiques, Mréjen élargit son champ de réflexion et développe une réflexion sur la mémoire collective. Une sorte de généralisation du souvenir peut être aperçue dans le court-métrage Chamonix (2002, 13’),[19] engendrée par l’étalement du moment de la conception du projet à une inspiration partagée. Cette vidéo est significative aussi bien de l’importance de la mémoire dans son œuvre, que de celle de la relation avec la famille : malgré la généralisation et l’ouverture à autrui, c’est toujours son fonds personnel qui est en jeu. Dans Chamonix, une série de souvenirs sont racontés par neuf interprètes, des acteurs et des amis de la réalisatrice. La syntaxe de la vidéo est similaire à celle des autres déjà présentées : les acteurs sont assis et filmés en plan moyen dans un endroit anonyme. Il s’agit d’un film qui a été conçu de manière collective : « ce qui m’a plu avec Chamonix, c’est que beaucoup de membres de l’équipe ont aussi contribué au film avec leurs souvenirs : l’un vient de l’ingénieur du son, un autre de la régisseuse, un de la photographe de plateau, et certains sont les miens ».[20]

Parmi ces neuf brefs récits, on peut repérer quelques anecdotes familiales, ce sont de souvenirs d’enfance comme ceux de la vidéo précédente :

 

[1] J’avais dix ans et comme j’étais assez faible je prenais des ampoules de magnésium. Un matin je me suis coupée avec le bout de l’ampoule. Mon père m’a désinfecté le doigt avec de l’eau oxygénée. En voyant les petites bulles je me suis évanouie et je suis tombée en arrière sur le radiateur. J’ai eu trois points de suture.
[2] Mes parents étaient des jeunes mariés, j’étais leur premier enfant. Mon grand-père les a invités à déjeuner et leur a recommandé d’être là à midi. Le temps de faire la route avec moi dans la voiture, ils ont sonné à midi dix. À l’interphone il a dit : "vous êtes en retard" et il n’a pas ouvert.
[3] À Noël, ma tante Tatie Josette nous donnait à mes frères et à moi une somme d’argent dans les assiettes. Au moment d’ouvrir les enveloppes mes frères avaient 200 francs et moi j’avais 100 francs. Comme j’étais la plus jeune, je pensais que c’était parce que j’étais plus petite et que quand je grandirais la somme augmenterait et qu’au bout de quelques années j’aurais droit à autant. Mais c’est resté pareil, la règle n’a jamais changé. Ils n’ont jamais eu plus et moi j’ai toujours eu cent francs.[21]

 

Mréjen utilise donc les souvenirs des autres et les mélange avec les siens pour composer une vidéo qui est construite en utilisant toujours le même schéma : la suite des micro-récits prononcés par les neuf acteurs se succèdent et une caméra fixe les filme en plan taille, assis sur un fond neutre. Le ton des acteurs est aussi plat que possible, leur parole est sans inflexions, et ils ne bougent presque pas, il s’agit encore une fois d’une sorte de confession devant un tribunal qui est composé par les spectateurs. L’impassibilité de leur récit vise à créer une narration aussi homogène que possible. L’autrice rend compte de ses choix stylistiques très précisément :

 

J’avais envie aussi de donner à tous ces souvenirs une tonalité un peu égale ; je ne voulais pas qu’il y ait de ‘hiérarchie’ entre les histoires, et que tout reste finalement dit comme si c’était une déposition faite dans un commissariat presque, parce que ce sont des histoires vraies, mais en même temps, je voulais qu’elles soient entendues et racontées comme de la pure fiction ; qu’on ne sache pas exactement.[22]

 

Et cette sorte de confession prend des allures différentes dans une vidéo plus récente, Sacré-cœur (2015), où elle rend compte de souvenirs de ses années scolaires, en se remémorant un certain nombre de ses camarades de classe dont elle trace le portrait.

 

On a monté / et descendu les escaliers un grand nombre de fois. / Les arbres de la cour faisaient de l’ombre. / On se croisait dans les jardins et les squares de quartier. / On a passé des années ensemble, / sur les bancs publics, dans les parcs, à descendre, à monter, / a soulever le sable des allées centrales. /
Parfois j’ai l’impression de les voir au loin. / Il y a quelques années je crois avoir aperçu l’un d’eux dans la rue. / Son père travaillait / dans une entreprise de location téléviseur. / Barre de logement donnant sur le périphérique. / Mère au foyer rêvant de faire de sa fille une enfant modèle. / Éducation rigide. / Devenue gothique à l’adolescence. / Enfance bourgeoise dans les beaux quartiers. / Santé délicate, la peau diaphane, une garde-robe inépuisable, toujours coordonnée. / Ses parents fortunés / sont partis s’installer en Suisse, / peu après l’élection de François Mitterrand. / Sa mère était gardienne d’immeuble dans une avenue résidentielle du XVIIe. / Ils possédaient une collection de poupées flamenco posées sur une étagère en hauteur / dans leur boîte d’origine.[23]

 

Ici, la technique a évolué, à la manière de Perec dans Je me souviens, par exemple, l’évocation des souvenirs de l’enfance se poursuit dans le récit à la première personne d’une voix off féminine, tandis qu’une série d’images statiques, cartes postales et photographies des années 60 et 70, défilent l’une après l’autre sans solution de continuité. L’artiste n’emprunte plus la figure et la voix des autres pour raconter ses souvenirs, mais elle construit son récit avec des images et sa voix off. Après avoir encadré le sujet du récit, Mréjen esquisse des mini-portraits de ses camarades et de leurs familles, en les insérant dans le contexte social et dans les lieux qu’ils habitaient, en rendant compte aussi de leur statut social et de quelques anecdotes concernant les vêtements, l’école, etc. Les images scandent le récit des souvenirs, celui-ci prend la forme d’une liste parce qu’il est dépourvu de commentaires. En outre, les informations sont données par sa voix, volontairement atone, et les images se succèdent à chaque changement de sujet, assez rapidement ;[24] elles sont filmées en plan fixe par la caméra étant si rapprochée que l’on ne peut percevoir que des détails agrandis et le grain de l’image ce qui rend très difficile pour le spectateur de faire le lien avec le récit de la voix off.

Cet ensemble d’image décontextualisée et de récit impersonnel provoque un effet double chez le spectateur : d’un côté il est pris au dépourvu par la vision d’une réalité somme toute très abstraite et artificielle, de l’autre le rapprochement des deux éléments, le visuel et le sonore, provoque sa curiosité et son dépaysement. La pénurie de points de repère visuels oblige celui qui regarde à prêter attention au récit sonore et à chercher, malgré tout, dans les images les liaisons possibles. La narration est mise à mal par le jeu technique, encore une fois, le fondement autobiographique est détourné par la manipulation des médiums empêchant toute tentative de remonter à la figure de l’auteur, qui se tient en retrait et oblige le spectateur à remplir les vides du récit et à en composer un lui-même.

En fait, chez Mréjen ni les récits ni les vidéos n’accompagnent le lecteur/spectateur en lui présentant un cadre fictionnel, où pourrait se situer une histoire impliquant les vicissitudes de personnages avec des problèmes à résoudre et des parcours à entreprendre, parce qu’on y expose des fragments de vie reconstruits et recomposés. Comme l’explique encore Lebovici : « si l’écriture décrit la parole, l’image la défait ou l’abolit. Valérie Mréjen commence à s’inspirer, pour les voir représentés, des "mal-entendus" éprouvés par elle et connus de chacun, ces lieux communs qui se croisent sans se rejoindre et qui constituent "des impasses dans la communication" ».[25]

Valérie Mréjen, R comme Roots, exposition à la galerie Anne-Sarah Bénichou

Valérie Mréjen, R comme Roots, exposition à la galerie Anne-Sarah Bénichou capture d’écran du site http://annesarahbenichou.com 

 

4. La circulations du moi parmi les médiums

Dans l’introduction à cette étude j’ai affirmé que le moi, le souvenir et la famille, sont parmi les ingrédients majeurs des œuvres de Valérie Mréjen, construites pour des médiums différents et que cela compose un espace autobiographique, se répandant dans la plupart de ses créations. Par la suite, on s’est penché sur la présence de ces trois éléments dans les récits écrits et vidéo en démontrant le déploiement de la création en archipel, où des ouvrages différents, créés pour des supports et des publics divers baignent dans un même fonds fait de souvenirs, de paroles entendues et reprises, constituant des îlots de discours et de textes. Et la métaphore de l’archipel s’applique bien aussi à la pratique du montage que Mréjen met en œuvre dans toutes ses créations : des éléments extraits de situations variées sont assemblés afin de composer un objet unique, qui ne raconte pas une histoire, mas qui sollicite la réponse du spectateur lecteur, comme il arrive dans la mise en place de ses expositions.

Pour conclure ce tour d’horizon, aussi bref qu’incomplet, on peut donner un petit aperçu de la déclinaison des mots clé dans l’exposition R comme Roots qu’elle a préparée pour la Galerie Anne-Sarah Bénichou, ouverte du 6 septembre au 23 octobre 2016. L’exposition a présenté une synthèse du travail de l’artiste à partir du thème de la famille, et consiste dans la présentation d’une série originale de dessins au crayon sur papier, dont le titre est Grandmas : ce sont des « […] dessins inspirés d’étiquettes de produits dont la marque se rapporte à un membre de la famille ».[26] Pour chaque marque l’artiste a imaginé une relation avec une personne de la famille : la grand-mère, la mère, l’oncle et la tante, etc. Pour étoffer le thème des relations et des souvenirs familiaux, les dessins sont accompagnés d’une sélection d’extraits de quelques-unes de ses vidéos : Leur histoire (2014), La Baule, ciel d’orage (2016), L’année passée (2015), La Peau de l’ours (2012), Princesses (2013), Cadavres exquis (2013), Hors saison (2008), Sacré cœur (2015), Voilà c’est tout (2008). On peut ainsi constater que par l’assemblage d’objets et de médiums différents, cette exposition démontre la circulation des thèmes et des pratiques d’un projet à l’autre, et que la trace autobiographique est toujours présente, ainsi que la dimension transmédiatique.

A propos de cette dernière pratique, en conclusion, une dernière remarque peut permettre une ouverture vers un autre champ d’enquête. Une fois établi et démontré que la matière personnelle est celle qui nourrit l’univers de Valérie Mréjen, et qu’il s’agit notamment des souvenirs de l’enfance et de l’adolescence, liés à la parole entendue, et souvent subie, d’où elle tire les situations et les discours de ses récits, il reste à évaluer l’hypothèse selon laquelle il se présenterait la répétition des anecdotes et des récits parmi ses œuvres et, surtout, entre les textes publiés et les vidéos créés à une même période.

Dans le court-métrage, La défaite du rouge-gorge, une jeune fille a une relation amoureuse un peu difficile avec un jeune homme qui se comporte de manière très bizarre. Or, les similitudes avec le sujet développé dans le livre L’Agrume, publié la même année, en 2001, sont nombreuses et notamment tout ce qui relève du comportement de ce partenaire, dissimulateur et assez mystérieux. Il serait sans doute utile de travailler sur la comparaison des deux récits, afin d’en établir l’origine et aussi les dissemblances dues à l’utilisation de médias différents, mais aussi d’établir les liens avec l’inspiration autobiographique. Cela pourra être le sujet d’une recherche à venir.

 

Bibliographie

M. C. Barnet, S. Jordan, ‘Interviews with Agnès Varda and Valérie Mréjen’, L'Esprit Créateur, 51, 1, 2011, pp. 184-200.

R. Barthes, Le Degré zéro de l'écriture, Paris, Seuil, 1953.

E. Bricco, ‘Les récits de Valérie Mréjen : le quotidien pour ne pas dire’, communication au colloque Les écritures contemporaines du quotidien : une cartographie, Paris 13-14 juin 2019, sous presse.

Galerie Anne-Sarah Bénichou, Profil de Valérie Mréjen < http://annesarahbenichou.com/fr/artistes/oeuvres/2545/valerie-mrejen> [dernier accès 20 juillet 2020].

É. Lebovici, V. Mréjen, Valérie Mréjen, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005.

A. Fleischer, ‘Note sur les ruses du texte : La stratégie de l’archipel’, in Id., L’Ascenseur [2002], Paris, Le Cherche Midi, 2007, pp. 8-32.

Ph. Gasparini, Est-il je? Roman autobiographique et autofiction, Paris, Seuil, 2015.

Ph. Lejeune, ‘Le pacte autobiographique’, Poétique, 1983, vol. 56, pp. 416-433.

M. Martinez, M. Arthuro, ‘De Jocelyne à Valérie Mréjen. Une métamorphose autobiographique’, Observatoire de l’imaginaire contemporain, 2013, < http://oic.uqam.ca/fr/publications/de-jocelyne-a-valerie-mrejen-une-metamorphose-autobiographique > [dernier accès 7 juillet 2020].

V. Mréjen, Bouvet, 1’35, 1997, <https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=bouvet> [dernier accès 7 juin 2020].

V. Mréjen, Sympa, 1’10, 1998, <https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=sympa> [dernier accès 8 juin 2020].

V. Mréjen, Jocelyne, 2’10, 1998, <https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=jocelyne> [dernier accès 7 juillet 2020].

V. Mréjen, Chamonix, 13’, 2002, < https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=chamonix > [dernier accès 17 juillet 2020].

V. Mréjen, Sacré-cœur, 3’30, 2015. Production centre d’art de Pontmain, Montage Julie Obadia, < https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=sacre-coeur > [dernier accès 6 juillet 2020].

V. Mréjen, Mon grand-père, Paris, Allia, 1999.

V. Mréjen, Eau sauvage, Paris, Allia, 2004.

V. Mréjen, Ping-pong, Paris, Allia, 2008.

V. Mréjen, ‘My Works are Centred on Writing and Language’, TateShots, 11 décembre 2017, [dernier accès 8 juin 2020].

V. Mréjen, exposition R comme Roots, Galerie Anne-Sarah Bénichou, 6/09/2016-23/10/2016, <http://annesarahbenichou.com/fr/expositions/presentation/6/roots#oeuv-2> [dernier accès 20 juillet 2020].

G. Perec, Je me souviens, Paris, Hachette, 1973.

D. Viart, ‘Blancheurs et minimalismes littéraires’, D. Rabaté, D. Viart (dir.), Écritures blanches, Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2009, pp. 7-26.

J.-B. Vray, D. Méaux (dir.), Traces photographiques. Traces autobiographique, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2004.

 


1 Site Galerie Anne-Sarah Bénichou, profil de Valérie Mréjen, <http://annesarahbenichou.com/fr/artistes/oeuvres/2545/valerie-mrejen> [dernier accès 20 juillet 2020].

2 A. Fleischer, ‘Note sur les ruses du texte : La stratégie de l’archipel’, in Id., L’Ascenseur [2002], Paris, Le Cherche Midi, 2007, pp. 8-32 : p. 24.

3 V. Mréjen, Mon grand-père, Paris, Allia, 1999.

4 V. Mréjen, ‘My Works are Centred on Writing and Language’, TateShots, 11 décembre 2017, [dernier accès 8 juin 2020].

5 É. Lebovici, V. Mréjen, Valérie Mréjen, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005, p. 68.

6 V. Mréjen, Sympa, 1’10, 1998, <https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=sympa> [dernier accès 8 juin 2020].

7 On pourrait estimer qu’à la base de ces ouvrages se trouvent des small stories en tant que les entend Alexandra Georgakopoulou (Small Stories, Interaction and Identities, Amsterdam, John Benjamins, 2007) : des mini récits de soi prononcés dans des contextes informels ; des récits qui ne sont d’habitude pas pris en charge par la critique sociologique ni par la critique narratologique. Néanmoins, Mréjen les transforme en dispositifs artistiques, s’éloignant ainsi de la factualité des mini récits étudiés par la sociolinguiste anglaise.

8 Cfr. E. Bricco, ‘Les récits de Valérie Mréjen : le quotidien pour ne pas dire’, communication au colloque Les écritures contemporaines du quotidien : une cartographie, Paris 13-14 juin 2019, sous presse.

9 É. Lebovici, V. Mréjen, Valérie Mréjen, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005, p. 69.

10 V. Mréjen, Eau sauvage, Paris, Allia, 2004, p. 168.

11 V. Mréjen, Bouvet, 1’35, 1997, 0’- 0’35, <https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=bouvet> [dernier accès 7 juin 2020].

12 V. Mréjen, Ping-pong, Paris, Allia, 2008, p. 44.

13 Ivi, p. 43.

14 D. Viart, ‘Blancheurs et minimalismes littéraires’, in D. Rabaté, D. Viart (dir.), Écritures blanches, Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2009, pp. 7-26.

15 V. Mréjen, Ping-pong, Paris, Allia, 2008, p. 43.

16 M. Martinez, M. Arthuro, ‘De Jocelyne à Valérie Mréjen. Une métamorphose autobiographique’, Observatoire de l’imaginaire contemporain, 2013, [dernier accès 7 juillet 2020].

17 É. Lebovici, V. Mréjen, Valérie Mréjen, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005, p. 68.

18 V. Mréjen in M. C. Barnet, S. Jordan, ‘Interviews with Agnès Varda and Valérie Mréjen’, L’Esprit Créateur, 51, 1, 2011, pp. 184-200 : p. 197.

19 Station de ski célèbre qui est liée à la mémoire collective a priori de toute réflexion ou action artistique.

20 É. Lebovici, V. Mréjen, Valérie Mréjen, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005, p. 76.

21 V. Mréjen, Chamonix, 13’, 2002, 00:00-01:37, <https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=chamonix> [dernier accès 17 juillet 2020].

22 V. Mréjen in M. C. Barnet, S. Jordan, ‘Interviews with Agnès Varda and Valérie Mréjen’, L’Esprit Créateur, 51, 1, 2011, pp. 184-200 : p. 196.

23 V. Mréjen, Sacré-cœur, 3’30, 2015, 00:00-01:10. Production centre d’art de Pontmain, Montage Julie Obadia, <https://valeriemrejen.com/folio/?portfolio=sacre-coeur> [dernier accès 6 juillet 2020].

24 Cf. dans la citation du texte, l’insertion des barres obliques est la nôtre.

25 É. Lebovici, V. Mréjen, Valérie Mréjen, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005, p. 69.

26 Cfr. [dernier accès 20 juillet 2020].