1. Introduction
C’est désormais un lieu commun de l’histoire de l’art de même que de la critique littéraire, la nécessité d’étudier non seulement le public auquel une production artistique s’adresse – ce qui permet de mieux en comprendre ce que Jauss[1] définissait l’«horizon d’attente» de l’œuvre – mais aussi sa postérité, voire sa fortune critique,[2] qui évalue la façon par laquelle une œuvre a été connue, perçue et jugée à travers les siècles. Si la ‘réception’ est désormais une partie intégrante de l’histoire de l’art, des recherches sont encore à faire sur les origines d’une telle approche. Je ne me réfère pas, bien sûr, aux bien connues théorisations du XXe siècle,[3] mais à la présence d’une idée de réception dans la critique et l’histoire de l’art des siècles précédents.
Dans cet article, je me propose de montrer que l’un des caractères originaux de Stendhal est justement l’importance qu’il a attribuée aux problèmes de la réception de l’œuvre d’art ou de l’artiste. En effet, l’un des leitmotivs de son Histoire de la peinture en Italie (1817), mais aussi d’autres textes consacrés aux arts visuels, est l’attention qu’il prête au contexte et au public pour lequel une œuvre est produite, à l’écart qu’il y a entre le public contemporain de l’œuvre et le public des époques suivantes, notamment le public de son temps, qui non seulement a perdu certaines habitudes perceptives, mais qui, la société ayant changé, a d’autres idéaux et d’autres valeurs. Enfin je vais illustrer le rôle que les thèmes de la réception et de la postérité de l’œuvre jouent chez Stendhal.