1. Le grand inconnu de l’histoire de la photographie
Que savons-nous, au fond, du roman-photo? Sans doute ‘trop’, car n’importe quel lecteur a bien une idée et surtout un avis, négatif bien entendu, sur ce genre très singulier. Mais sans doute aussi ‘pas assez’, car ces idées et ces avis se résument facilement en quelques lieux communs, qui ne cessent d’être ressassés depuis plus d’un demi-siècle: le roman-photo passe pour être une sorte de bande dessinée, mais avec des images; ses histoires sont celles que l’en retrouve dans la littérature à l’eau de rose; son public semble féminin; et l’existence de quelques variantes à vocation essentiellement parodique ne change rien au caractère figé d’un genre qui n’a guère changé depuis son introduction dans l’immédiat après-guerre.
Comme beaucoup d’autres genres de la culture populaire ou médiatique, le roman-photo ne souffre pas seulement d’un manque de reconnaissance. Il est surtout très mal connu. Et comme souvent, ceci est lié à cela et inversement: le peu de chose qu’on sait du genre tend non seulement à le faire mépriser, mais empêche aussi qu’on se penche de plus près sur son histoire et ses formes plus ou moins alternatives, en tout cas plus riches que les stéréotypes ayant cours, ce qui renforce encore le manque de prestige qui colle au roman-photo comme une seconde peau. La phrase la plus citée sur le roman-photo reste donc, paradoxalement, celle de Roland Barthes, auteur en général peu suspect du renforcement des hiérarchies entre culture légitime et culture populaire: